La pêche à l’électricité, késako ?

La pêche scientifique à l’électricité est une méthode douce, non létale et strictement encadrée par des professionnels formés, permettant de recenser les populations de poissons sans leur causer de blessure. En générant un champ électrique temporaire, cette technique permet d’attirer, de capturer, d’étudier puis de relâcher vivants ces animaux.

À ce jour, elle constitue la seule méthode d’inventaire non destructive capable de fournir des données précises sur la diversité, l’abondance, l’état des populations piscicoles ainsi que l’état de santé des poissons d’eau douce.

Cette méthode est utile pour :

Mieux connaître les espèces présentes dans les milieux aquatiques

Suivre et comprendre leur évolution

Identifier les déséquilibres écologiques et les dysfonctionnements

Proposer des solutions de gestion adaptées

Reconnue au niveau national et international, la pêche scientifique à l’électricité est systématiquement utilisée à des fins scientifiques, notamment pour des études de suivi piscicole ou environnemental, ainsi que lors d’opérations de sauvetages préalables à des travaux de restauration des milieux aquatiques (reméandrage de cours d’eau, restauration de zones humides, vidange de canaux, etc.).

Pêche à l’électricité menée lors d’un suivi piscicole par RFID dans le marais de la Souche, au sein de la Réserve naturelle nationale de Vesles-et-Caumont

Anode immergée durant une pêche électrique

Comment ça fonctionne ?

Lors d’une campagne de suivi par pêche électrique, un équipement spécifique est utilisé :

➤ Un générateur électrique : il permet de produire un courant continu ou pulsé, adapté à la conductivité de l’eau et aux espèces ciblées.

➤ Une cathode (pôle négatif) : généralement immergée en permanence dans l’eau, elle est reliée au générateur et fixée à l’arrière de l’opérateur ou à un point fixe.

➤ Une anode (pôle positif) : elle se présente sous la forme d’un manche isolé terminé par un arceau métallique. Elle est tenue à la main par l’agent habilité, qui la déplace lentement à la surface de l’eau afin de balayer efficacement la zone prospectée.

➤ Un équipement isolant : waders, bottes et gants en caoutchouc sont indispensables pour assurer la sécurité des opérateurs en les protégeant de tout risque d’électrisation.

➤ Des épuisettes : elles permettent de capturer sans risque les poissons momentanément immobilisés par le champ électrique.

➤ Des bacs de réception

➤ Des outils de mesures et de désinfection : balance, ruban de mesure, et produits de désinfection pour garantir la bonne santé des poissons.

Matériel de pêche électrique

Anode, waders et générateur électrique portatif

La pêche électrique repose sur la création d’un champ électrique dans l’eau entre 2 électrodes de charges opposées : la cathode et l’anode. Lorsque ces électrodes sont immergées dans l’eau, des lignes de force s’établissent entre elles et forment un champ électrique.

Les poissons présents dans la zone d’influence du champ, principalement autour de l’anode, vont percevoir cette stimulation électrique qui va interférer avec leur système nerveux et musculaire. Ce phénomène provoque chez eux une nage réflexe orientée vers l’anode, appelée galvanotaxie. Une fois à proximité immédiate, les poissons sont temporairement immobilisés par tétanie, ce qui permet leur capture à l’aide des épuisettes.

Les individus sont ensuite ramenés sur les berges et placés dans des bacs de conservation adaptés. Ils sont ensuite mesurés et pesés. Parfois, une écaille est prélevée pour une étude dite scalimétrique, qui permet de déterminer leur âge. Les individus sont ensuite relâchés dans leur milieu naturel, en toute sécurité.

Toutes ces opérations sont réalisées rapidement pour minimiser le stress des poissons et garantir leur bonne survie.

La zone d’action du champ électrique dépend de plusieurs paramètres : la conductivité de l’eau (quantité de sels et de minéraux), la puissance du générateur utilisé, le type de courant (continu ou pulsé), la taille et la forme des électrodes. En général, la zone dite « efficace » autour de l’anode s’étend sur un rayon de 1,50 à 2 mètres.

Pêche scientifique à l’électricité menée dans le cadre d’une étude scalimétrique sur la truite fario, dans le département de la Marne

Mesure d’une truite fario

Une méthode encadrée pour la sécurité de tous !

Lors d’une pêche électrique, la sécurité des opérateurs et le respect du bien-être animal sont des priorités absolues. Tout est mis en place pour limiter les risques :

➤ Une méthodologie rigoureuse.

➤ un matériel adapté.

➤ des agents formés spécifiquement à cette pratique.

Ces précautions permettent de réaliser les inventaires sans danger pour les personnes, tout en réduisant au maximum le stress ou les blessures pour les poissons.

Pour aller encore plus loin, des chercheurs continuent d’étudier les effets physiques et physiologiques de cette technique, afin de la rendre toujours plus sûre et respectueuse de la vie aquatique.

La pêche électrique est une pratique rigoureusement encadrée par la réglementation française. Elle ne peut être réalisée que par des structures agréées ou des professionnels spécifiquement formés et autorisés.

Pour mener une campagne de pêche électrique scientifique, 3 types d’autorisation sont généralement nécessaires :

  • Un arrêté préfectoral qui autorise la pêche électrique à des fins scientifiques, notamment dans le cadre d’inventaires destinés à améliorer la connaissance du milieu aquatique.
  • Une autorisation de passage ou d’installation, délivrée par le propriétaire du terrain ou de la berge concernée.

  • Une autorisation des détenteurs du droit de pêche

👉 À noter : lorsque des espèces protégées sont présentes dans le secteur concerné, une autorisation supplémentaire peut être exigée. Elle est alors délivrée par les services de l’État comme la DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement).

La pêche électrique en grand milieu : quand la rivière devient trop profonde !

Les protocoles standards de pêche électrique reposent généralement sur une prospection à pied, le long de cours d’eau peu profonds et accessibles. Il s’agit de pêches complètes qui inventorient un tronçon de cours d’eau de manière exhaustive. Lorsque ce n’est pas réalisable, des pêches dites partielles sont réalisées suivant différents protocoles adaptés (par points, ambiance, par traits).

Toutes les rivières ne se prêtent pas à la prospection à pied ! Les grands milieux aquatiques (rivières profondes, larges canaux ou grands fleuves) abritent, eux aussi, des poissons.

Pour ces milieux, on utilise la pêche électrique embarquée. Elle repose sur l’utilisation d’un bateau équipé d’un générateur électrique, capable de créer un champ électrique dans l’eau à l’aide d’électrodes placées à l’avant du bateau.

Contrairement à la pêche à pied, il n’est pas possible d’échantillonner toute la largeur ou la profondeur de la rivière. Le bateau se concentre majoritairement sur les zones proches des berges, où les poissons sont plus accessibles.

Pêche électrique réalisée à l’aide d’un « boom boat » dans le cadre du suivi comportemental du brochet, dans le département de l’Aube

Quels indicateurs ?

Lors de campagnes de pêche scientifique à l’électricité, plusieurs indicateurs biologiques et écologiques sont utilisés pour évaluer l’état de conservation ou de dégradation des populations et des peuplements piscicoles.

🐟 INDICATEURS LIES AUX ESPÈCES

Richesse spécifique : nombre total d’espèces capturées

Présence ou absence d’espèces patrimoniales

Présence d’espèces exotiques envahissantes

 

🧬 INDICATEURS SUR L’ÉTAT DE SANTÉ

Anomalies morphologiques visibles : lésions, parasites, malformations

📈 INDICATEURS TEMPORELS

Comparaison interannuelle : suivre l’évolution des peuplements dans le temps pour détecter des tendances (récupération, déclin, stabilité…)

Suivi avant/après travaux : permet d’évaluer l’effet de travaux de restauration écologique ou d’aménagement

📏 ⚖️ INDICATEURS LIES A LA STRUCTURE DES POPULATIONS

Densité : nombre total d’individus capturés, ramenés généralement à une unité d’effort

Biomasse : poids total des poissons capturés, donnant une idée de la productivité du milieu

Indice d’abondance : quantité relative d’une espèce dans un milieu donné

Structure en classe de taille/âge : évaluation de la reproduction, de la survie des juvéniles, et la dynamique de renouvellement de la population

Ratio juvéniles/adultes : indicateur du recrutement et du bon fonctionnement des cycles biologiques

📊 INDICATEURS DE PEUPLEMENT

Indice Poisson Rivière (IPR) : utilisé en France pour évaluer l’état écologique des cours d’eau selon la Directive Cadre sur l’Eau. Il prend en compte la composition spécifique, la tolérance aux perturbations, les préférences écologiques des espèces, etc.

Indice de diversité (Shannon, Simpson…) : mesure la diversité biologique et son équilibre.

La valorisation des données

Les données collectées lors des campagnes de pêche électrique sont bancarisées, rigoureusement analysées et valorisées pour enrichir notre connaissance des milieux aquatiques. Ces données permettent d’évaluer l’état écologique des cours d’eau, de détecter des déséquilibres, de suivre l’évolution des populations piscicoles dans le temps et de mesurer l’impact d’aménagements ou de travaux de restauration.

Elles alimentent également des bases de données régionales ou nationales, contribuant ainsi à la mise en œuvre de politiques publiques de gestion des cours d’eau, à l’élaboration de diagnostics environnementaux ou à la définition d’indicateurs de qualité.

Ces résultats peuvent être partagés avec les acteurs de l’eau via des rapports, des atlas piscicoles, des publications scientifiques ou dans le cadre d’actions de sensibilisation auprès du grand public.

En valorisant ces informations, la pêche scientifique à l’électricité devient un véritable outil d’aide à la décision pour la restauration des cours d’eau ou des zones humides.

Les limites de cette technique de suivi

Bien que la pêche électrique soit un outil très efficace pour évaluer les populations de poissons, elle présente certaines limites qu’il convient de connaître pour bien interpréter les résultats obtenus :

– Une efficacité variable selon les conditions : la performance du suivi dépend de nombreux facteurs environnementaux comme la conductivité de l’eau, la température, la transparence ou la morphologie du cours d’eau.

– Une technique partiellement sélective : certaines espèces, notamment les poissons de très petite taille, très rapides ou enfouis dans le substrat (comme les loches et les gobies), peuvent être sous-représentées lors des captures.

– Une accessibilité limitée : les milieux profonds, très larges et difficiles d’accès, nécessitent des dispositifs spécifiques (comme le bateau de pêche électrique) et il n’est pas toujours possible d’échantillonner l’ensemble des habitats aquatiques.

Une interprétation contextualisée des données : les résultats obtenus reflètent un état des lieux instantané d’un peuplement. Ils doivent ainsi être croisés avec d’autres indicateurs (physico-chimiques, hydromorphologiques…) pour fournir une analyse complète de l’état écologique du milieu.

En savoir +

L’action en vidéo !