Mai – Juillet 2014 : mobilisation générale au bord de l’eau pour capturer les vairons!

Essentiellement par pêche électrique, les bénévoles des Associations Agréées pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique, les Fédérations Départementales pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique ainsi que les agents de l’Office Français de la Biodiversité, ont participé à la capture de vairons en France métropolitaine.

Objectif ? Capturer pendant la période de reproduction (fraie) un échantillon conséquent de vairons sur différents bassins hydrographiques pour les confier à l’équipe du Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN).

Le frai des vairons s’étale de Mai à Juillet. A cette occasion, ces poissons subissent des modifications pigmentaires : l’apparition de la robe nuptiale. Il s’agit d’un changement de couleur des flancs et des nageoires principalement. Ces couleurs diffèrent d’une espèce à l’autre ce qui est un élément déterminant pour les différencier.

Qu’à cela ne tienne ! L’équipe du MNHN a étudié tous les individus pêchés : comparaison moléculaires, morphologiques et des robes nuptiales. Décryptage de l’étude ci-dessous.

Les principaux résultats de l’étude – validés en Septembre 2020

Cette étude a permis de croiser les résultats des trois approches dans le but de déterminer les différentes espèces. Une espèce est validée lorsque le critère moléculaire concorde avec celui de la morphologie ou de la robe nuptiale du poisson.

On examine le poisson sous toutes ses coutures : longueur de l’animal, de sa tête, de ses nageoires, le diamètre de ses yeux, … Par la suite, les paramètres biométriques sont moyennés afin de déterminer un profil type pour chaque espèce.

Ces résultats permettent d’une part de confirmer/d’infirmer ceux existants pour les espèces connues ; et, d’autre part, de renseigner un morphotype pour la découverte des nouvelles espèces.

Ci-dessous, pour exemple, l’holotype mâle du vairon de la Garonne,©Denys et al.,2020 Phoxinus taxonomy. Pour rappel, un holotype est l’individu choisi pour définir l’espèce.

A l’occasion de cette étude, les scientifiques ont comparé l’ADN mitochondrial des vairons capturés à une banque de données européenne. Cette analyse permet de regrouper entre eux les individus se ressemblant génétiquement, soit appartenant à une même espèce. Elle a ainsi permis d’isoler 6 espèces distinctes.

L’étude des différentes robes nuptiales chez les individus mâles et femelles capturés a permis de regrouper les individus en 6 espèces concordantes avec l’analyse moléculaire.

Comment ça marche ?

Les auteurs ont décrit des zones (voir la figure ci-dessous,©Denys et al.,2020 Phoxinus taxonomy) caractéristiques à chaque espèce.

Cette analyse approfondie de la robe nuptiale a permis d’établir une clé de détermination pour les vairons français.

Pour exemple, si la zone 4 est verte et que le ventre de l’animal entre la nageoire pectorale et la base de la nageoire caudale est rouge (ci-dessus, ©Denys et al.,2020 Phoxinus taxonomy en A : belly jusqu’à la « queue » de l’animal), sans discontinuité, alors il y a de grandes chances pour qu’il s’agisse d’un mâle appartenant à l’espèce vairon du Danube.

Ces approches complémentaires, ne laissent pas de place au doute : 6 espèces sont identifiées, soit 2 nouvelles. On compte alors :

  • Le vairon basque, Phoxinus bigerri, en rouge sur la carte localisant les captures.
  • Le vairon du Danube, Phoxinus csikii, en vert sur la carte localisant les captures.
  • Le vairon de la Manche, Phoxinus phoxinus, en bleu. C’est le vairon présent sur le bassin Seine Normandie.
  • Le vairon du Languedoc, Phoxinus septimaniae, en jaune sur la carte.
  • Le vairon de la Garonne, Phoxinus dragarum, en violet sur la carte.
  • Le vairon ligérien, Phoxinus fayollarum, en orange sur la carte localisant les captures.

On notera que ces espèces sont réparties par grands bassins. Ces résultats soulignent également l’importance d’une politique de gestion à l’échelle du bassin.

Les nouvelles espèces : zoom sur les vairons de la Garonne et ligérien

Endémique du bassin de la Garonne, on trouve P. dragarum principalement dans la zone à barbeaux. Il préfèrera les eaux calmes et peu profondes, généralement le long des berges. Il doit son nom P. dragarum aux fées du folklore occitan.

On différenciera, ci-dessous ©Denys et al.,2020 Phoxinus taxonomy, la robe nuptiale du mâle en D, de celle de la femelle en E.

On retrouve cette espèce dans le bassin de la Loire, au sein des cours d’eau de tête de bassin, peu profonds avec un substrat de type sablonneux ou graveleux. Il doit son nom P. fayollarum au fées du folklore auvergnat.

Robe nuptiale du vairon ligérien mâle en D, de la femelle en E, ©Denys et al.,2020 Phoxinus taxonomy.

La clé de détermination : l’outil terrain indispensable

Outre la découverte de deux nouvelles espèces françaises, les auteurs ont établis une clé de détermination des vairons français. Elle n’est valable que pendant la période de reproduction mais permet d’identifier l’espèce au bord de l’eau sans avoir à sacrifier l’animal.

La clé de détermination est proposée à la fin de l’article Denys et al.,2020.-Revision of Phoxinus in France with the description of two new species (Teleostei, Leuciscidae). Cybium, 44(3): 205-237. DOI : 10.26028/cybium/2020-443-003

Une nouvelle étude évoque une septième espèce française, affaire à suivre…

La répartition du vairon de la Manche sur le bassin

Phoxinus dragarum mâle en B et la femelle en C, extrait de Denys et al.,2020.-Revision of Phoxinus in France with the description of two new species (Teleostei, Leuciscidae)

Phoxinus fayollarum mâle en B et la femelle en C, extrait de Denys et al.,2020.-Revision of Phoxinus in France with the description of two new species (Teleostei, Leuciscidae)

L’article