Contexte du projet

Une pollution historique sur l’Aisne : un tournant écologique !

Le 9 août 2020, la rivière Aisne a été le théâtre d’un épisode de pollution d’une ampleur inédite, touchant durement le secteur de Brécy-Bierne et de Challerange (08). Sur près de 12 kilomètres de cours d’eau, plus de 3 tonnes de poissons morts ont été recensées. Les estimations globales évoquaient un total compris entre 5 et 6 tonnes, représentant 22 espèces différentes décimées en quelques heures.

À l’origine de cette catastrophe, un rejet massif de boues provenant d’une usine implantée en amont du cours d’eau. Ce déversement a provoqué une asphyxie immédiate du milieu aquatique, bouleversant l’équilibre fragile de l’écosystème local : baisse de l’oxygène dissous, dégradation de la qualité physico-chimique de l’eau, etc.

Parmi les espèces les plus touchées, le brochet (Esox lucius) illustre l’ampleur des dégâts. Emblématique des rivières ardennaises et figure majeure de nos milieux aquatiques, ce superprédateur joue un rôle clé dans la régulation des populations piscicoles.

Déjà mis à mal par la dégradation des habitats et la fragmentation des milieux naturels, le brochet a vu sa population s’effondrer brutalement à la suite de cet événement. Ce constat est d’autant plus alarmant que l’espèce est aujourd’hui classée « vulnérable » sur la Liste rouge des espèces menacées en France métropolitaine (UICN, juillet 2019).

Impacts de la pollution survenue le 9 août 2020 sur l’Aisne

Un projet pour restaurer les milieux essentiels à la vie aquatique

Face à cette crise écologique, la Fédération des Ardennes pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique, en collaboration étroite avec les AAPPMA locales, a rapidement décidé de passer à l’action.

Dès 2021, un projet d’envergure a été lancé : l’inventaire et la caractérisation des annexes hydrauliques de l’Aisne, à l’échelle du département. Connectées au lit principal du cours d’eau, les zones humides constituent de véritables réservoirs naturels de biodiversité. Leur rôle est fondamental : elles servent d’aires de reproduction, d’alimentation et de croissance pour de nombreuses espèces aquatiques, au premier rang desquelles figure le brochet.

En identifiant ces milieux, en analysant leur fonctionnement, mais aussi leurs dysfonctionnements, la Fédération vise à renforcer la résilience écologique de la rivière. L’objectif ? mieux protéger ces habitats fragiles, les restaurer quand cela est nécessaire, et anticiper les effets cumulatifs des pressions humaines (pollutions, déconnexions hydrauliques…) et du changement climatique (sècheresses).

La réalisation de cet « atlas des annexes hydrauliques » a constitué une base de travail solide, qui a permis de structurer un programme pluriannuel de restauration. Des aménagements ciblés ont ainsi été engagés pour redonner à ces milieux leur pleine fonctionnalité écologique, et avec eux, offrir de nouveaux refuges à la faune aquatique.

Objectifs du projet

Ce projet novateur reposait sur trois grands axes d’action, complémentaires et interdépendants :

  • Référencer et localiser les annexes hydrauliques présentes le long de l’Aisne et sur l’ensemble du territoire fédéral. Ce travail de terrain a permis de dresser un inventaire précis de ces zones humides, avec pour objectif la réalisation d’un atlas des frayères potentielles à brochet, outil stratégique pour la conservation de l’espèce.

  • Analyser leur fonctionnement hydrologique et écologique, en étudiant les dynamiques d’inondation, la connectivité avec le lit principal et la qualité des habitats. Ces données ont permis d’évaluer les potentialités écologiques de ces milieux pour la reproduction, le développement et la survie des espèces piscicoles patrimoniales.

  • Mettre en œuvre des actions de restauration ciblées, en réponse aux dysfonctionnements physico-chimiques identifiés (asphyxie des milieux, colmatage, rupture de connexion…). Ces interventions concrètes visent à réactiver les fonctions écologiques essentielles de ces annexes : régulation des débits, zones refuges, habitats de fraie et de croissance.

Résultats

Sur plus de 120 km de linéaires, la Fédération de pêche des Ardennes a recensé plus de 20 annexes hydrauliques. Ce diagnostic de terrain a mis en lumière plusieurs sites fortement dégradés, nécessitant une intervention pour restaurer leurs fonctionnalités écologiques.

Face à ce constat, un vaste programme de restauration écologique a été engagé, structuré autour de deux actions principales :

des travaux de bûcheronnage afin de rouvrir les milieux boisés devenus trop denses. Ces formations végétales obstruaient la lumière et morcelaient les annexes, altérant leur bon fonctionnement hydrologique et physico-chimique.

des opérations de terrassement, pour réactiver la connexion hydraulique entre ces annexes et le lit principal de l’Aisne, essentielle à leur bon fonctionnement.

Entre 2022 et 2023, ce sont 14 annexes hydrauliques qui ont pu bénéficier de ces interventions ciblées :

✔️ 7 restaurées en 2022

✔️ 7 restaurées en 2023

Un partenariat bénéfique

En 2021, la fédération de pêche a noué un partenariat avec le Campus agro-environnemental de Saint-Laurent, dans une démarche à la fois technique et pédagogique. Il s’agissait d’associer les futurs professionnels de l’environnement à des chantiers de bûcheronnage sur le terrain, en conditions réelles.

4 annexes hydrauliques ont ainsi été concernées par ces travaux, dont le site stratégique des Sartis amont. Cette collaboration a permis aux étudiants de BTS Gestion et Protection de la Nature de mettre en pratique leurs compétences, tout en contribuant activement à la réouverture de milieux boisés trop fermés.

Au-delà de l’enjeu formateur, ces interventions ont également facilité une meilleure évaluation des besoins en terrassement, en amont des travaux plus lourds de restauration hydromorphologique. Un exemple concret de synergie entre pédagogie et action écologique, au bénéfice des zones humides.

Répartition des travaux réalisés en 2022 et 2023 sur les différentes annexes hydrauliques recensées sur l’Aisne dans le département des Ardennes. © FDAAPPMA 08

Initialement programmés en 2023, les travaux de restauration ont dû être reportés et finalisés en 2025, en raison de conditions météorologiques défavorables. Ce contretemps a imposé une reprogrammation des interventions sur le terrain, afin de garantir à la fois la sécurité des équipes et l’efficacité des opérations menées sur ces milieux sensibles.

Résultats illustrés en photos

Avant travauxAvant travaux

Site « Les Sartis amont » avant et après les travaux

Avant travauxAvant travaux

Noue « Anine » avant et après les travaux

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Frayère « Fer à cheval » avant et après les travaux

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Frayère d’ « Olizy-Primat » avant et après les travaux

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Vue aérienne du site « Les Brus » avant et après les travaux

Suivis post-travaux

Pour évaluer l’impact réel des travaux sur le fonctionnement écologique des annexes hydrauliques, des suivis piscicoles par pêche électrique ont été programmés sur plusieurs années. Ces campagnes permettent de mesurer l’évolution de la biodiversité et, en particulier, de suivre de près la dynamique de la population de brochets.

La pérennité de ces milieux restaurés repose sur un double engagement :

  • La Fédération de pêche des Ardennes poursuit ses efforts de suivi scientifique, notamment à travers le recensement des juvéniles de brochets, indicateurs de la fonctionnalité de reproduction des annexes.

  • Les AAPPMA concernées, quant à elles, se sont engagées, à travers des conventions de gestion, à assurer l’entretien régulier de la ripisylve et la préservation des milieux restaurés.

Présentation du projet en vidéo !

En savoir +

Le montant des travaux s’est élevé au total à 164 932,80 € TTC. Il a été financé à :

– 60 % par l’Agence de l’Eau Seine Normandie.
– 12 % par la Fédération Nationale de la Pêche en France.
– 8 % par la Fédération des Ardennes pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique.
– 20 % par la région Grand-Est.