Décryptage de l’étude menée par l’INRAe en partenariat avec l’UFBSN : Belliard J, Beslagic S, Boucault J and Zahm A (2021) Increasing Establishment of Non-native Fish Species in the Seine River Basin : Insights From Medium and Long-Term Approaches. Front. Ecol. Evol. 9:687451.
D’après les auteurs, la première espèce intentionnellement introduite dans le bassin de la Seine serait la carpe commune au XIIIe siècle. Depuis le milieu du XXe, qu’il s’agisse d’introductions intentionnelles ou non, le phénomène s’est intensifié. Le développement de la pisciculture et de la pêche ont accéléré les tentatives d’introduction d’espèces de poissons allochtones au bassin de la Seine. Ceci n’étant pas sans conséquences pour les écosystèmes et en particulier pour les milieux aquatiques.
Aujourd’hui, ces introductions ont atteint un
niveau sans précédent et 46% des espèces recensées dans le bassin sont allochtones.
Les auteurs ont voulu savoir qu’elle était la dynamique temporelle des espèces introduites dans le bassin de la Seine. Pour ce faire, ils ont utilisés deux méthodes complémentaires :
En se basant sur des données archéologiques et sur des écrits du dernier millénaire, les auteurs ont remonté le fil de l’histoire de l’introduction des poissons dans le bassin de la Seine. 37 espèces ont subi une tentative d’introduction, parmi elles, 22 sont encore présentes sur le bassin.
D’après les auteurs, le rythme d’introduction s’est nettement accéléré durant la seconde moitié du XXe siècle, tendance qui s’est accentuée durant ces deux dernières décennies.
4 nouvelles espèces arrivant par décennie pour la période 2000 – 2020.
Pour cette approche détaillée, les auteurs ont analysé la base de données poissons de l’Observatoire des Poissons du bassin Seine Normandie. A partir de laquelle ont été analysées 3 412 opérations de pêches électriques réparties sur 453 stations du bassin de la Seine et couvrant la période 1990-2018.
D’après les auteurs, au moins une espèce introduite serait présente dans 70% des stations étudiées pour au moins un échantillonnage.
Il semblerait que les caractéristiques environnementales des stations influent directement sur la dynamique temporelle des espèces introduites. En effet, l’introduction d’espèces allochtones serait favorisée dans les grands milieux présentant une pression anthropique assez forte.
Discutons-en !
La règle des three tens rule de Williamson (qui suggère notamment que 10% des tentatives d’introduction d’espèces seraient une réussite, parmi lesquelles 10% deviendraient invasives, voir notre page sur le sujet) ne serait pas applicable au bassin de la Seine.
En effet, les résultats de Belliard J, Beslagic S, Boucault J et Zahm A suggèrent que dans le bassin de la Seine, il serait plutôt question de 50% d’espèces implantées durablement parmi lesquelles 36% seraient potentiellement invasives. Attention, la règle de Williamson s’applique à tous les écosystèmes et ne prend pas en compte le potentiel davantage invasif des poissons d’eau douce par rapport aux autres communautés.
Il est également important de noter que dans le bassin de la Seine :
- Les stations les plus en amont sont exemptes d’espèces allochtones, ce qui représente 30% des stations étudiées.
- Dans les communautés locales de poissons, le nombre d’individus allochtones reste faible (1% en moyenne). Cette proportion peut varier d’une station à l’autre et atteindre quelques dizaines de pourcents.
- Les espèces exotiques sont les plus abondantes dans les grands cours d’eau et les cours d’eau fortement anthropisés. C’est également dans ce type de milieu que l’on observe une forte progression des espèces introduites ces trente dernières années.
La mondialisation ainsi que l’artificialisation des écosystèmes ont tendance à encourager l’expansion rapide des espèces exotiques. Quid du réchauffement des eaux induit par le changement climatique ? Il est probable que cela décale le front de colonisation de nombreuses espèces introduites vers l’amont des bassins versants, au détriment d’espèces indigènes préférant les eaux vives et bien oxygénées.