Contexte du projet

Les cours d’eau ne sont pas seulement des milieux paisibles : ce sont aussi des écosystèmes complexes, vivants, sensibles… et fragiles.

Dans ces milieux, la température de l’eau joue un rôle crucial. Bien plus qu’un simple chiffre, il s’agit d’un paramètre clé qui influence directement la qualité de l’eau, le fonctionnement des écosystèmes aquatiques et le cycle de vie des espèces qui y vivent.

Chez les poissons notamment, chaque espèce a ses propres exigences thermiques pour s’alimenter, se développer, se reproduire… ou simplement survivre. Une variation de quelques degrés peut suffire à déséquilibrer tout un réseau biologique.

C’est le cas du brochet (Esox lucius), une espèce repère des milieux cyprinicoles particulièrement sensible aux variations de température, particulièrement en période de reproduction. Ce superprédateur a besoin d’eaux fraîches et riches en végétation pour assurer le bon déroulement de la fraie, qui intervient généralement entre la fin de l’hiver et le début du printemps. Or des hivers plus courts et plus doux, combinés à des niveaux d’eau insuffisants, peuvent gravement compromettre le succès de cette phase cruciale de son cycle de vie.

L’Eure modernise son réseau de suivi thermique des rivières

Consciente de ces enjeux et du statut « vulnérable » attribué au brochet par l’UICN (juillet 2019), la Fédération de l’Eure pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique a engagé, dès l’automne 2024, une modernisation ambitieuse de son réseau de sondes thermiques.

Mis en place dès 2010, ce réseau permettait déjà de suivre l’évolution de la température dans les rivières du département, afin d’évaluer leur compatibilité avec la reproduction du brochet. Mais avec le temps, les équipements vieillissants ont montré leurs limites techniques : pannes fréquentes, perte de données, absence d’alertes automatisées… Autant d’éléments qui limitaient la fiabilité et la réactivité du dispositif.

Pour répondre à ces défis, la fédération a donc entrepris le remplacement de son parc de sondes, en s’équipant de capteurs de nouvelle génération : plus précis, autonomes, connectés et robustes.

Une décision visant à répondre à un objectif clair : assurer un suivi thermique continu, fiable et de haute qualité, afin de mieux comprendre les dynamiques locales, d’identifier les secteurs les plus vulnérables, et d’orienter plus efficacement les actions de préservation à mener sur le territoire.

Descriptif détaillé du dispositif

Des sondes de nouvelle génération pour un suivi fiable

La Fédération de pêche a choisi de remplacer ses équipements vieillissants par un dispositif moderne et performant, conçu par une entreprise française spécialisée dans la surveillance environnementale.

Parmi ces innovations, la solution THERM’EAU, proposée par la société SQUAMA, se distingue par sa capacité à assurer un suivi thermique précis, autonome et en temps réel des cours d’eau.

Les nouvelles sondes intègrent ainsi plusieurs avancées technologiques :

🌡️ Grande précision : la mesure de la température est fiable à ± 0,1 °C, sans besoin d’étalonnage entre stations.

🌊 Détection automatique de l’immersion : un capteur de niveau intégré garantit que la sonde est bien immergée, renforçant ainsi la fiabilité des données collectées.

🖥️ Transmission en temps réel et stockage cloud : grâce à un boîtier autonome, les données brutes sont envoyées en continu et sauvegardées dans le cloud pendant 1 an. En cas de perte de la sonde, les données restent disponibles.

🔋 Autonomie énergétique : chaque station est alimentée par un panneau solaire, assurant un fonctionnement autonome nécessitant peu ou pas de maintenance.

Une configuration simple et robuste

Chaque dispositif THERM’EAU comprend :

1 module transmetteur.

1 module « Niveau & T°C ».

1 câble de 5 m.

Une interface en ligne intuitive pour le suivi des températures

Grâce à cet outil en ligne, les utilisateurs peuvent :

🌐 Visualiser en temps réel l’évolution des températures et des niveaux d’eau sur chaque site équipé.

🌐 Accéder à l’historique des données sous forme de graphiques dynamiques, consultables et exportables.

🌐 Paramétrer des alertes automatiques en cas de dépassement de seuils critiques.

🌐 Identifier rapidement les anomalies ou dysfonctionnements éventuels.

Exemples de graphiques dynamiques illustrant la température de l’eau mesurée sur un secteur de la Risle, selon différentes échelles temporelles (année, mois et semaine)

Localisation géographique d’une sonde thermique installée sur la Seine et température mesurée en temps réel

Un maillage territorial adapté aux enjeux locaux

Au total, 25 sondes ont été déployées sur le territoire, selon une répartition pensée en fonction des contextes salmonicoles, cyprinicoles ou intermédiaires, tels que définis dans le Plan Départemental pour la Protection des Milieux Aquatiques et la Gestion des Ressources Piscicoles de l’Eure (PDPG).

Les installations se sont déroulées en deux phases, en octobre et décembre 2024. Malgré quelques contraintes techniques – telles que l’orientation solaire des ponts, les crues saisonnières ou les chantiers en cours – la quasi-totalité des sondes a pu être installée. Lorsque les structures classiques n’étaient pas adaptées, certaines sondes ont été fixées directement sur des arbres. Cette solution astucieuse garantissait leur efficacité tout en s’adaptant aux réalités du terrain.

Sonde thermique installée sur site

Des données accessibles, utiles et partagées

Les données collectées par les sondes THERM’EAU sont désormais consultables en direct via l’interface en ligne. Elles servent aussi à produire des fiches de synthèse annuelles, élaborées par bassin versant, pour mieux suivre l’évolution des conditions thermiques dans le temps.

Les gestionnaires GEMAPI du département ont un accès permanent à ces informations, ce qui leur permet de mieux comprendre les dynamiques locales, et de réagir rapidement en cas d’anomalie thermique ou de situation critique sur leur territoire.

En complément, ce dispositif est compatible avec les autres référentiels régionaux et nationaux (comme WebPDPG), facilitant ainsi le partage et la valorisation des données.

Ces informations contribuent également au développement du loisir pêche, notamment en sensibilisant les pêcheurs aux périodes de stress thermique, particulièrement préjudiciables pour certaines espèces piscicoles.

Ainsi, ce dispositif renforce la gestion adaptative des milieux aquatiques, favorise la préservation de la biodiversité, et participe à assurer la pérennité des ressources piscicoles dans un contexte de changement climatique.

Le coût du projet s’élève à 38 000 € TTC. Il a été financé à 80 % par l’Agence de l’eau Seine Normandie, à 12 % par la Fédération Nationale de la Pêche en France et à 8 % par la Fédération de l’Eure pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique.