Contexte du projet

Le projet de restauration écologique de la Blaise s’inscrit dans le cadre du Contrat Territorial Eau et Climat de l’Eure et de la Blaise, porté à l’échelle du bassin versant. À ce titre, la Fédération d’Eure-et-Loir pour la Pêche et la Protection des Milieux Aquatiques s’est engagée dans une démarche visant à restaurer les fonctionnalités naturelles des cours d’eau et des milieux humides associés.

En 2021, la Fédération a été informée de la mise en vente d’une parcelle située sur la commune de Crécy-Couvé (28), en aval du complexe hydraulique du moulin de la Bellassière. Un premier diagnostic de terrain a mis en évidence de nombreux dysfonctionnements écologiques sur ce secteur de la Blaise. Afin de pouvoir agir durablement sur le milieu, la Fédération a fait le choix stratégique d’acquérir la parcelle, devenant propriétaire en juin 2022, et de porter une opération de restauration globale.

Le site est caractérisé par une organisation hydraulique complexe avec une répartition des écoulements en trois bras :

– un bras dit « naturel », captant la majorité du débit

– un canal artificiel

– un bras de décharge du moulin

Cette configuration, associée à la présence d’ouvrages transversaux aujourd’hui dégradés, a fortement influencé le fonctionnement hydraulique et morphologique du cours d’eau, entraînant une homogénéisation des écoulements et un blocage du transit sédimentaire. La parcelle présentait par ailleurs une ripisylve largement monospécifique, issue de plantations de peupliers réalisées il y a plusieurs décennies à des fins de production et jamais entretenues. Le vieillissement de ces arbres, dotés d’un système racinaire superficiel, a entraîné de nombreuses chutes dans le lit du cours d’eau, provoquant une instabilité des berges ainsi que la formation d’embâcles importants.

Sur le plan écologique, la morphologie du lit mineur était globalement uniforme, avec des substrats majoritairement limoneux et sableux, peu favorables à la diversité des habitats aquatiques. Le déficit en granulométrie grossière, accentué par le blocage sédimentaire, limitait notamment les capacités de reproduction de la truite fario, espèce repère dans ce contexte piscicole. La fermeture du milieu a également freiné le développement des végétations aquatiques et rivulaires.

Enfin le site comprend l’ancien « miroir » du château de Madame de Pompadour, une ancienne pièce d’eau aujourd’hui en grande partie déconnectée de son fonctionnement hydraulique d’origine. La dégradation progressive des ouvrages de maintien en eau et la colonisation par les peupliers ont conduit à une perte du caractère humide de cette zone, bien que subsiste encore une végétation typique des zones humides.

L’ensemble de ces éléments a conduit la Fédération de pêche à engager un projet de restauration visant à rétablir des écoulements plus naturels, à diversifier les habitats naturels et à redonner au site ses fonctionnalités écologiques.

© FDAAPPMA 28

Ouvrage hydraulique n°1 (ROE 65137)

© FDAAPPMA 28

Ouvrage hydraulique n°2 (ROE 65136)

© FDAAPPMA 28

Peupliers vieillissants sur le site, avant travaux

© FDAAPPMA 28

Ripisylve monospécifique fermant le milieu, avant travaux

Descriptif détaillé des travaux

I) RESTAURATION DE LA VÉGÉTATION ET NETTOYAGE DU SITE

La restauration de la végétation constituait un préalable indispensable à toute action de restauration écologique. Entre septembre 2021 et janvier 2022, l’entreprise CG Élagage est intervenue pour procéder à l’abattage des peupliers présents sur la parcelle. L’objectif principal était d’ouvrir le milieu afin de favoriser la recolonisation naturelle par des essences locales caractéristiques des milieux humides, comme des aulnes ou des saules. L’abattage a aussi permis de sécuriser les abords de la Blaise, tout en valorisant le bois exploité vers la filière énergie.

Dans le but de limiter la reprise des peupliers et de remettre le site en état après l’intervention, un broyeur forestier est ensuite intervenu pour rogner plus de 300 souches et broyer les résidus de coupe non valorisables. Cette action a rapidement produit les effets escomptés : quelques semaines après les travaux, les sols avaient déjà été recolonisés par des hélophytes, révélant le potentiel de régénération du milieu dès lors que la fermeture du couvert végétal est levée.

Parallèlement, une quantité importante de déchets hétérogènes accumulés sur la parcelle a été évacuée vers des filières adaptées (pneus, barbelés, plastiques, etc.), contribuant à l’assainissement global du site.

© FDAAPPMA 28

Abattage des peupleraies, phase préparatoire des travaux

© FDAAPPMA 28

Dessouchage et gestion des résidus de peupliers

II) RESTAURATION DE LA CONTINUITÉ ÉCOLOGIQUE

Concernant l’ouvrage hydraulique n°1 (OH1), l’absence de hauteur de chute résiduelle a permis de privilégier une intervention ciblée. Le retrait a ainsi rétabli la libre circulation des poissons tout en abaissant le niveau d’eau en amont, favorisant le retour d’écoulements plus dynamiques. La fosse de dissipation située en aval a été conservée, celle-ci constituant un habitat aquatique de qualité. Afin d’écarter tout risque de blocage lié à une érosion régressive, le seuil de fond en briques a été intégralement supprimé.

S’agissant de l’ouvrage hydraulique n°2 (OH2), le déversoir présentait une hauteur de chute d’environ 0,55 m. Les travaux, engagés en septembre 2023 par l’entreprise Chesnel Travaux Publics, ont consisté à supprimer les embâcles et à araser la partie centrale du déversoir à l’aide d’un brise-roche hydraulique. Les matériaux issus de la déconstruction ont été réemployés directement dans le lit du cours d’eau afin de reconstituer un matelas alluvial plus fonctionnel et d’améliorer la franchissabilité de l’ouvrage, notamment en période d’étiage.

© FDAAPPMA 28

Suppression du seuil de fond en brique sur l’ouvrage n°1

© FDAAPPMA 28

Arasement de la partie centrale du déversoir de l’ouvrage n°2

© FDAAPPMA 28

Emplacement de l’ouvrage hydraulique n°2 avant les travaux

© FDAAPPMA 28

Emplacement de l’ouvrage hydraulique n°2 après les travaux

La zone d’influence de l’ouvrage s’étendait sur environ 250 mètres en amont. Afin d’éviter toute sur-intervention, de limiter la remise en suspension des sédiments fins et de maîtriser les coûts, aucun travaux d’accompagnement complémentaires n’a été engagé sur ce linéaire. Le choix a été fait de laisser le cours d’eau évoluer librement, en s’appuyant sur les capacités naturelles de résilience du milieu.

La reprise progressive des processus naturels, notamment la minéralisation des vases et la recolonisation végétale des berges, a permis de réduire la section d’écoulement, de diversifier les vitesses de courant et de développer une mosaïque d’habitats aquatiques. Cette dynamique naturelle a contribué également à un fonctionnement plus équilibré du lit mineur, favorable aux espèces piscicoles et aux macro-invertébrés.

III) RESTAURATION MORPHOLOGIQUE DU LIT MINEUR

Cette troisième phase des travaux visait à redynamiser et à diversifier les écoulements, jusqu’alors largement homogènes sur ce tronçon de la Blaise.

Pour atteindre cet objectif, une recharge sédimentaire a été mise en œuvre, consistant à réintroduire des matériaux minéraux adaptés au fonctionnement hydrologique du cours d’eau et aux enjeux écologiques identifiés.

Différents types de matériaux ont été mobilisés, chacun répondant à une fonction spécifique au sein du lit mineur :

– Grès alluvionnaires de 20/40 mm : ces matériaux ont été utilisés pour reconstituer un matelas alluvial fonctionnel, notamment sous forme de radiers. Répartis tous les 30 à 40 mètres, ils couvrent toute la largeur du lit sur une épaisseur moyenne de 30 à 40 cm et constituent des habitats favorables à la reproduction de la truite fario. Au total, environ 150 tonnes de matériaux ont été mises en place à l’aide d’une pelle mécanique.

© FDAAPPMA 28

Emplacement de l’ouvrage hydraulique n°2 avant les travaux

© FDAAPPMA 28

Emplacement de l’ouvrage hydraulique n°2 après les travaux

– Silex alluvionnaires de 80/150 mm : plus grossiers et plus résistants aux forces tractrices, ces matériaux ont été utilisés pour créer des banquettes latérales alternées dans les secteurs de surlargeur. D’une longueur de 10 à 15 mètres pour une largeur de 5 à 7 mètres, ces banquettes contribuent à concentrer les écoulements, à diversifier les vitesses de courant et à rompre le caractère rectiligne du lit. Environ 150 tonnes de matériaux ont ainsi été mises en œuvre, principalement sur la partie aval du linéaire où la surlargeur était la plus marquée.

© FDAAPPMA 28

Création d’une banquette minérale à l’aide d’une pelle mécanique

© FDAAPPMA 28

Tronçon du cours d’eau après la création d’une banquette latérale

– Blocs de 400/600 mm : des blocs de plus grande dimension ont été disposés ponctuellement dans le lit mineur afin de renforcer la diversification des habitats aquatiques. Environ 500 blocs ont été implantés de manière aléatoire pour créer des zones de repos, de refuge et de dissipation de l’énergie hydraulique, favorables à la faune piscicole et à l’ensemble des organismes aquatiques.

© FDAAPPMA 28

Blocs utilisés pour la diversification des habitats aquatiques

© FDAAPPMA 28

Blocs mis en place dans le lit mineur de la Blaise restaurée

IV) RECONNEXION D’UNE ZONE HUMIDE

La dernière phase a consisté en la reconnexion de la zone humide de l’ancien « miroir » du château de la Marquise de Pompadour. Dans un premier temps, les peupliers présents ont été abattus et les souches rognées afin d’éviter toute reprise végétative. Cette intervention a permis de supprimer la strate ligneuse envahissante et de préserver le caractère humide de la parcelle, tout en favorisant une végétation typique des zones humides.

La connexion hydraulique aval entre la Blaise et la zone humide a ensuite été rétablie suite à un entretien de la ripisylve et à l’extraction de l’ensemble des embâcles. Cette action vise à augmenter la fréquence des débordements du cours d’eau de la zone humide, condition essentielle à son bon fonctionnement écologique.

Un terrassement léger a également été réalisé au centre de la zone afin d’abaisser le niveau du terrain et de renforcer durablement le caractère humide du site. À cette occasion, un chenal préférentiel a été créé sur toute la longueur de la parcelle, avec une pente douce orientée vers le cours d’eau, facilitant l’alimentation hydraulique de la zone lors des crues.

Enfin, deux mares ont été aménagées afin de maintenir des zones en eau permanente ou semi-permanente, favorables au développement de la faune aquatique et notamment des amphibiens.

© FDAAPPMA 28

Terrassement d’un chenal de 4 mètres de large sur 120 mètres au centre de la zone

© FDAAPPMA 28

Chenal préférentiel après l’action de terrassement

© FDAAPPMA 28

Création d’une mare de 30 m²

© FDAAPPMA 28

Création d’une mare de 40 m²

V) AMÉNAGEMENT D’UN PARCOURS DE PÊCHE

Le linéaire de cours d’eau concerné par le projet s’étend sur environ 1 000 mètres. Dans une logique d’ouverture maîtrisée du site au public : l’intégralité du parcours a été rendue accessible à pied depuis l’amont, tout en veillant à concilier usages, sécurité et préservation des milieux naturels.

Travaux de terrassement : dans certaines zones, l’espace disponible entre la berge et la limite de propriété ne permettait ni le passage des piétons ni celui des engins d’entretien. Les interventions ont ainsi consisté à ajuster le profil du terrain et à adoucir localement les pentes, notamment au niveau de l’ancien seuil en pierres, afin de garantir une circulation sécurisée et pérenne.

© FDAAPPMA 28

Cheminement après les travaux de terrassement

Rognage des souches : une vingtaine de souches situées directement sur le tracé du cheminement ont été arasées à l’aide de rogneuses thermiques. Cette opération visait à faciliter l’accès au cours d’eau, à améliorer le confort de circulation et à permettre l’entretien du site.

© FDAAPPMA 28

Cheminement après le rognage des souches

Mise en place de deux passerelles : compte tenu de la sinuosité du cours d’eau et des contraintes parcellaires, deux passerelles ont également été mises en place. Une première passerelle de 10 mètres permet de franchir le méandre le plus marqué du parcours, tandis qu’une seconde, d’une longueur de 6 mètres, a été aménagée pour enjamber l’exutoire de la zone humide.

© FDAAPPMA 28

Passerelle de 10 mètres

© FDAAPPMA 28

Vue aérienne de la deuxième passerelle

Pose de panneaux d’information : afin d’accompagner l’ouverture du site restauré et de sensibiliser les usagers, trois panneaux d’information ont été installés : un à chaque extrémité du parcours et un au niveau de la zone humide. Ces supports présentent le fonctionnement du cours d’eau ainsi que les différents enjeux écologiques du site.

© FDAAPPMA 28

Passerelle et panneau pédagogique

© FDAAPPMA 28

Zoom d’un panneau pédagogique présentant le site restauré et les espèces emblématiques

Aménagement de places de parking : l’accès au parcours de pêche se situe depuis l’amont du site. Pour éviter toute gêne sur le chemin existant et desservant un hangar et des parcelles agricoles, cinq places de stationnement ont été aménagées de part et d’autre du cours d’eau.

© FDAAPPMA 28

Berges débroussaillées, après les travaux

© FDAAPPMA 28

Zoom d’un panneau pédagogique présentant le site restauré et les espèces emblématiques

Débroussaillage des berges et recepage des aulnes : des travaux d’entretien des berges ont été réalisés afin d’accompagner la dynamique de recolonisation végétale engagée depuis les opérations d’abattage menées en 2022 et 2023. L’entreprise ANERVEDEL est intervenue pour sélectionner les rejets d’aulnes et contenir le développement des ronciers, contribuant ainsi à maintenir l’accessibilité du parcours tout en favorisant une ripisylve fonctionnelle et diversifiée.

© FDAAPPMA 28

Berges débroussaillées, après les travaux

© FDAAPPMA 28

Zoom d’un panneau pédagogique présentant le site restauré et les espèces emblématiques

Résultats des travaux

Cette opération de restauration sur ce tronçon de la Blaise a permis d’intervenir de manière cohérente sur l’ensemble des compartiments du cours d’eau : lit mineur, berges, ripisylve et annexes hydrauliques. Cette approche intégrée a favorisé le rétablissement d’un fonctionnement plus naturel de la rivière, condition indispensable au retour des processus morphodynamiques tels que l’érosion et la sédimentation, et à la restauration de la biodiversité locale.

La restauration de la continuité écologique, sur près de 1 000 mètres de linéaire, a permis de rétablir le transit sédimentaire et la libre circulation piscicole. Combinée à la reconstitution du matelas alluvial et à la création des radiers, cette action offre désormais des faciès d’écoulement favorables à la reproduction de la truite fario, espèce repère du bassin de la Blaise.

La suppression de la peupleraie et l’abaissement du niveau de terrain au sein de la zone humide de l’ancien « miroir » ont contribué à renforcer durablement le caractère humide du site. La réouverture du milieu, associée au retour de la lumière, a facilité l’installation progressive d’un cortège floristique typique des zones humides, prémices d’un regain de biodiversité spécifique à ces milieux.

Dans les mois suivants, la Blaise a poursuivi son ajustement morphologique naturel, notamment au sein de l’ancienne zone d’influence de l’ouvrage hydraulique n°1. Un suivi morphologique sera mis en place afin d’accompagner cette phase d’évolution et, le cas échéant, de prévoir des ajustements complémentaires pour garantir l’atteinte des objectifs écologiques du projet.

En parallèle, le Syndicat du Bassin Versant des Quatre Rivières (SBV4R) a conduit un projet de restauration de la continuité écologique sur le bras principal de la Blaise, au droit du complexe hydraulique de l’usine « Soufflet ». La complémentarité de ces projets a permis, à terme, de restaurer pleinement la continuité écologique sur ce tronçon stratégique du cours d’eau.

© FDAAPPMA 28

Le montant des travaux de restauration de la Blaise s’élève à 63 722,36 €. Ils ont été financés à 80 % par l’Agence de l’eau Seine-Normandie, à 12 % par la Fédération Nationale de la Pêche en France et à 8 % par la Fédération de l’Eure-et-Loir pour la Pêche et la Protection des Milieux Aquatiques.

Le montant des travaux d’aménagement du parcours de pêche s’élève à 36 897,11 €. Ils ont été financés à 56 % par le Conseil départemental de l’Eure-et-Loir, à 22 % par la Fédération Nationale de la Pêche en France et à 22 % par la Fédération de l’Eure-et-Loir pour la Pêche et la Protection des Milieux Aquatiques.